Des Grecs, des Arabes, et des Latins à nous autres du XXIe siècle : Usages et contre-usages culturels et mathématiques de l’infini
Organizers:
Antoni Malet | Professeur à l’Universitat Pompeu Fabra de Barcelone, Catalogne
Vincent Jullien | Professeur Émér. de l’Université de Nantes, France
Program
Chair: Vincent Jullien
Friday, September 13, 2019
Morning Session | 09:00-11:00
Venue: Marasleio Room 3
Jean Dhombres | Des Grecs, des Arabes, et des Latins à nous autres du XXIe siècle
Vincent Jullien | A philosophical solution for a difficult mathematical problem?
Anabel Jauregui | Antoine Arnauld’s theory of proportions and his geometry of infinity
Carlos Alvarez | The point at infinity and its key role in projective geometry
About the Symposium
La saga de l’infini n’a rien d’un long fleuve tranquille qui se déploierait régulièrement de l’infinité prouvée de l’ensemble des nombres premiers chez Euclide à la machine de Turing qui manifeste l’incontournable existence de problèmes « incalculables » en passant par l’antiphérèse des fractions continues chez al-Khwârizmî, la série du binôme de Newton, la compensation des erreurs en calcul différentiel, ou l’analyse non-standard. On peut raconter d’ailleurs divers épisodes qui sont plutôt des sortes d’empêchement à l’infini, dont le rôle métaphysique, et même religieux, est loin d’être négligeable.
Il est possible de prendre les méthodes d’indivisibles du XVIIeme siècle pour des outils mathématiques indépendants des discussions sur la nature du continu. Faut-il interpréter le refus cartésien de produire des mathématiques infinitésimales comme une exigence de rigueur qui sera, plus tard, fertile ? On peut présenter les Principia mathematica philosophiae naturalis de Newton de 1687 comme un certain évitement des fluxions et des approximations par comparaison des ordres d’infiniment petits, et ce en dépit les « raisons ultimes ». On peut aussi bien jouer sur le mode de l’aventure culturelle en manifestant une lutte idéologique « jésuite » contre les infinitésimaux. Ou de même raconter le refus des infiniment petits au nom de l’algèbre formelle chez le Lagrange de la Théorie des fonctions analytiques en 1797 et encore le refus des procédés de théorie des ensembles de Georg Cantor, dont le procédé diagonal. Cette méthode sera pourtant utilisée à l’inverse par Turing : il montrait en effet que les réels « calculables » ne forment pas un ensemble aussi riche que les réels. Autre genre, il fallut au moins un siècle pour que le résultat de Fourier de 1807 sur la fonction périodique créneau, si commune sur un écran électronique, puisse être considérée comme une simple somme, mais infinie, d’harmoniques de période multiple entière d’un nombre. L’infini faisait de la chaleur une harmonie! Et n’a pas vraiment pris le procédé de définition d’un nombre réel inventé par Johann Bernoulli de multiplication d’un infiniment grand par un infiniment petit, pourtant repris systématiquement par Euler pour construire les fonctions usuelles de mathématiques. C’est qu’il installait l’infini au cœur de la notion même de variable et de fonction. Cela faisait désordre, bien plus qu’un manque de rigueur. Il serait trop simple de parler d’un obstacle épistémologique sur l’infini à la façon de Bachelard, et bien trop « byzantin » d’évoquer une aporie à la façon de Kant. Le propos du présent symposium n’est pas de tenter une nouvelle histoire de l’infini, mais de choisir de raconter divers empêchements dans le cadre de diverses situations culturelles, peut-être de trouver une unité, voire de la nier en traitant les problèmes d’incommensurables.