Des Grecs, des Arabes, et des Latins à nous autres du XXIe siècle : Usages et contre-usages culturels et mathématiques de l’infini
Jean Dhombres
Des Grecs, des Arabes, et des Latins à nous autres du XXIe siècle
La saga de l’infini n’a rien d’un long fleuve tranquille qui se déploierait régulièrement de l’infinité prouvée de l’ensemble des nombres premiers chez Euclide à la machine de Turing qui manifeste l’incontournable existence de problèmes « incalculables » en passant par l’antiphérèse des fractions continues chez al-Khwârizmî, la série du binôme de Newton, la compensation des erreurs en calcul différentiel, ou l’analyse non-standard. On peut raconter d’ailleurs divers épisodes qui sont plutôt des sortes d’empêchement à l’infini, dont le rôle métaphysique, et même religieux, est loin d’être négligeable.
On peut présenter les Principia mathematica philosophiae naturalis de Newton de 1687 comme un certain évitement des fluxions et des approximations par comparaison des ordres d’infiniment petits, et ce en dépit les « raisons ultimes ». On peut aussi bien jouer sur le mode de l’aventure culturelle en manifestant une lutte idéologique « jésuite » contre les infinitésimaux. Ou de même raconter le refus des infiniment petits au nom de l’algèbre formelle chez le Lagrange de la Théorie des fonctions analytiques en 1797 et encore le refus des procédés de théorie des ensembles de Georg Cantor, dont le procédé diagonal. Cette méthode sera pourtant utilisée à l’inverse par Turing : il montrait en effet que les réels « calculables » ne forment pas un ensemble aussi riche que les réels. Autre genre, il fallut au moins un siècle pour que le résultat de Fourier de 1807 sur la fonction périodique créneau, si commune sur un écran électronique, puisse être considérée comme une simple somme, mais infinie, d’harmoniques de période multiple entière d’un nombre. L’infini faisait de la chaleur une harmonie ! Et n’a pas vraiment pris le procédé de définition d’un nombre réel inventé par Johann Bernoulli de multiplication d’un infiniment grand par un infiniment petit, pourtant repris systématiquement par Euler pour construire les fonctions usuelles de mathématiques. C’est qu’il installait l’infini au cœur de la notion même de variable et de fonction. Cela faisait désordre, bien plus qu’un manque de rigueur.
Il serait trop simple de parler d’un obstacle épistémologique sur l’infini à la façon de Bachelard, et bien trop « byzantin » d’évoquer une aporie à la façon de Kant.
Le propos du présent symposium n’est pas de tenter une nouvelle histoire de l’infini, mais de choisir de raconter divers empêchements dans le cadre de diverses situations culturelles, peut-être de trouver une unité, voire de la nier en traitant les problèmes d’incommensurables.
Vincent Jullien
A philosophical solution for a difficult mathematical problem?
Many writers acknowledged their own awareness of the weaknesses in the logic and foundations of the theory of indivisibles, which one might see as confirming Whiteside’s quite brutal judgement that the “mathematical proofs” of the time which are based on indivisibles are “psychologically satisfying sketches and no more”[1]. Otherwise, indivisibles mark the beginning of a period in the history of mathematics which was characterised by methods and tools associated with theoretical, axiomatic, and/or definitional weaknesses about the magnitudes and procedures used.
In the work of Leibniz and Newton, a solid concept of limits and continuity is clearly absent from. This missing element specifically concerns the logical and axiomatic foundations of the theory. Hence, the foundations of the new calculus (or “infinite calculus”) were not much more stable than those of previous theories. The solution provisoire to this problem – the widespread use of a theory that was poorly founded from a mathematical perspective – was to a large extend not geometrical. Rather, it was provided by the intellectual impact of a particular philosophical development: that of Leibnizian doctrine on the notion of continuity.
[1]. Whiteside, 1960, p. 184.
Anabel Jauregui
Antoine Arnauld’s theory of proportions and his geometry of infinity
Historically the notion of infinity has been related in different ways to the theory of proportions. In this meeting we will see how Antoine Arnauld develops a theory of proportions and the implications of this in what he calls a geometry of inifinity. The last one constitutes a method to measure areas,so we will also explore some differences regarding Euclid’s theory of proportions and areas.
Carlos Alvarez
The point at infinity and its key role in projective geometry
There is a canonical way to introduce a product in analytic projective geometry which depends on the fundamental theorem of projective geometry. We are interested on the double role of the inifinite in relation to this product and this theorem. On one hand the point at infinite must play the role of a fixed point, on the other hand the fundamental theorem requires a sort of continuity condition in order to garantee the uniqueness of the fourth point defined through a given cross ratio of four points. But also we are interested in a more deep historical and philosophical question: why is this theorem a “fundamental theorem” for projective geometry.